Vivant toujours chez Mathieu, celui-ci était complètement épris de moi et autant vous dire que je n’avais pas intérêt à être déloyal, même si je n’avais pris aucun engagement avec lui. Je recommençais à aller au sauna et sur les lieux de rencontres que je fréquentais auparavant ; bien évidemment, sans que je lui en dise mot. Une nuit où il travaillait au restaurant qui faisait aussi bar de nuit, j’avais bu et fumé plus que de raison puis, comme ça, je me suis éclipsé. J’étais allé au « Yellow Moon », un bar de nuit gay que toutes les personnes du milieu bordelais ont du connaître. Alors que je me trouvais sur la piste de danse, un jeune homme que je trouvais beau, était en train de se faire draguer par un autre que je détestais. Voulant finir la soirée chez celui que je désirais charnellement, ayant du coup complètement oublié Mathieu, je me suis imposé entre les deux pour virer celui que je n’aimais pas, et courtiser l’objet de mes désirs.
L’affaire conclue, je passai donc le reste de la nuit avec, et ne sachant pas quelles excuses j’allais bien pouvoir trouver à Mathieu, j’ai eu le toupet de lui dire, que mon ivresse était telle, que je m’étais endormi sur les berges de la Garonne. Il était en « pétard » après moi, mais avec beaucoup de mal, j’ai quand même réussi à lui faire avaler la couleuvre. Quelques jours plus tard, celui-ci se retrouva avec les ganglions enflés et tout de suite nous nous sommes inquiétés de savoir s’il n’avait pas attrapé une IST ou pire. Nous sommes allés au centre de dépistage ensemble pour un bilan, et un mois après nous apprenions qu’il était depuis peu séropositif.
« Comment réagiriez vous si vous appreniez un jour que vous êtes porteur du sida ? Quelles réactions auriez vous face à celui ou celle qui vous a transmis ce fléau ? Auriez vous une attitude différente avec cette personne si elle vous avait prévenu avant toute coucherie, ou pas ? Et vos proches, en l’occurrence vos parents ? Vous leur présentez celui ou celle qui partage depuis X temps votre vie. Vous savez que votre conjoint(e) est malade, il ou elle mange souvent à la table de vos parents. Toujours vos parents, le ou la font dormir chez eux. Comment réagiraient-ils s’ils apprenaient qu’un jour votre partenaire vous a contaminé, alors qu’ils ont toujours ignoré sa séropositivité ? Et si vous décidiez de le leur cacher ? Et si vous leur cachiez, quelle serait leur attitude face à vous quant ils l’apprendront, parce qu’un jour vous aurez fait une complication ? Vous pourriez ne rien dire parce que vous craignez leurs réactions,
ou pour protéger celui ou celle que vous aimez ? Peut-être les deux !
Et maintenant on inverse les rôles. Savez-vous ce qui se passe dans la tête d’une personne séropositive quand elle contamine un de ses partenaires ? Vous vous demanderiez s’ils se sont protégés. Et si effectivement ils s’étaient protégés et que cette saloperie de virus ait quand même réussi à passer.
Une des réponses plausibles est que le, la contaminé (e) ainsi que ses proches pourraient en vouloir au contaminant, et le contaminant,
quant il est intègre et qu’il a toujours été honnête, il culpabilise en espérant la rédemption, et aussi ne pas passer pour un de ces putains de plombeurs qui contaminent délibérément les gens vulnérables d’esprit.
Nul ne peut prévoir ou savoir par avance comment il réagira face à un tel diagnostic. Certains prennent d'un coup dix ans de maturité dans la gueule, et les plus tourmentés peuvent aller jusqu'à se suicider pour tout un tas de paramètres qui font qu’ils n’ont aucun repère pour apprendre à vivre avec cette malédiction. Ou aussi parce que la majeure partie de la société, prônant la discrimination par manque d’information, en fait une phobie et ainsi rend taboue la possibilité de pouvoir en parler sans avoir peur de passer pour un pédé ou un toxicomane. Par contre, si c’est à cause du sang contaminé, là on vous plaint et on dit que ce n’est pas de votre faute. Je trouve qu’il est difficile de faire pire dans le domaine de l’hypocrisie. Une partie de la population, la moins bien informée, à même peur de vous toucher et ne vous sert même pas la main pour vous saluer, tellement cette maladie leur font froid dans le dos. Je sais de quoi je parle, je l’ai vécu et autant vous dire que quand cela arrive, ben… vous vous sentez plutôt mal. La majorité des séronégatifs ignorent aussi que s’ils sont infectés par un quelconque virus, bronchite par exemple, c’est eux les dangers pour nous les immunodéprimés.
Certains, quant ils apprennent leur séropositivité, ont envie de tuer, ce qu’ils pourraient considérer comme leur « assassin ». Et, une catégorie des plus perturbés, devient comme je le disais plus haut, ce que l’on appelle péjorativement des plombeurs. Ils ressentent le besoin de se venger de l’individu qui leur à foutu la vie en l’air, en contaminant les autres à leur tour. D’ailleurs, ont les retrouve
souvent dans les bas fonds du milieu gay de la nuit. Je tiens à dire, sans vouloir faire de polémique, qu’il faut bien avoir conscience que
les rapports sexuels à répétitions avec des porteurs du H-I-V sont plus risqués que s’ils étaient occasionnels. Et s’il s’avérait qu’on infecte intentionnellement une tierce personne, ce que la morale réprouve, nous aurions alors à répondre de nos actes, face à celui ou celle que l’on a contaminé, mais aussi à tous ses proches. Ces situations, certains d’entre nous le savent bien, sont extrêmement difficiles. Dieu merci, aussi nous sommes loin, et en même temps pas encore assez, de l’époque où nous mourions tous dès les premières années de la maladie. Même si nous n’avons pas encore de vaccin, nous sommes aujourd’hui soignés, grâce à la recherche et aux investigations qu’ont menées le professeur Luc Montagnais et son admirable équipe de chercheurs. A ce jour, la trithérapie et ses « soeurs », nous permettent de traiter le HIV de
manière chronique ; presque comme si nous étions asthmatique ou encore diabétique. Gare aux infections opportunistes _ d’où la raison de suivre scrupuleusement son traitement quant on en a un. Il faut par ailleurs dédramatiser et, même si je sais que ça parait difficile, ne pas trop longtemps pleurer sur son sort en pensant qu’il y a, sûrement mieux mais surtout et par extension, pire que soit. Ce que je fais pour supporter mon HIV, le mal coulant déjà dans mes veines, je l’apprivoise comme s’il était un symbiote à la recherche d’un hôte confortable. Si vous vous débattez, vous allez épuiser vos ressources et laisser la porte ouverte à ce fichu démon pour qu’il dévore vos T4. Aussi, vous devez apprendre à écouter votre organisme et votre corps, mais pour cala il faut commencer par avoir une hygiène de vie irréprochable, éviter les crises d’angoisse, le stress, manger équilibré, arrêter de se prendre et de se mettre la « tête » systématiquement. L’idéal serait encore de se caser avec quelqu’un qui vous plaît et avec qui vous pourriez trouver un juste milieu si vos caractères sont opposés ; ont dit souvent qu’ils s’attirent. Même si l’envie de profiter de la vie est compréhensible, ne faites pas comme moi dans mes débuts, prendre pour des cons tous les mecs susceptibles de tenir la route et faire comme avec une clope, allumer, consumer, écraser ».
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